Amour

Le choix entre l’Amour et la solitude

Monseigneur Wojtyla médite beaucoup sur la paternité et sur son lien avec notre Dieu Créateur. Il écrit un monologue pour l’exprimer.

Monseigneur Wojtyla écrit, en 1964, un long monologue, un genre de synthèse des réflexions mûries dans la pièce de théâtre « Le rayonnement de la paternité », avec une réflexion aussi sur notre lien avec Dieu Créateur. Ce monologue s’intitule « Méditation sur la paternité ». Le personnage Adam s’y exprime ainsi :

« Ce n’est pas pour rien que je porte le nom d’Adam. Dans ce nom, se peut rencontrer tout homme ; mais, dans ce nom, l’apport personnel de tout homme peut se banaliser. (…)

Etais-Tu obligé de toucher ma pensée de Ton Acte générateur et ma volonté par l’Amour qui s’accomplit en lui et en émane ? En moi, cet Amour ne s’accomplira jamais, car je ne sais pas engendrer ainsi. C’est bien pourquoi je T’ai déçu. N’ai-je pas tout de suite crié : « Laisse-moi ma solitude ! » Pourquoi l’avoir crié ? Je sais que ce cri était dirigé contre moi. Mais plus encore contre Toi. (…)

(…) je veux tout avoir de moi-même et non de Toi. Si c’est un contresens – combien nombreux alors les esclaves de ce contresens ! Que sont aujourd’hui les hommes, soumis à leur nombre toujours croissant ? Ne sont-ils pas toujours plus seuls ? Le nombre ne crée pas l’amour – la solitude ne rend pas autonome, elle ne fait qu’engendrer le conflit. (…)

Le désir de la solitude ne m’est pas foncier, mais il pousse toujours de quelque fissure de mon être, une fissure bien plus large que je n’aurais pu l’imaginer. Et c’est par là que Tu entres et que lentement Tu commences à me faire croître du dedans.

Tu me fais croître contre tout ce que j’imaginais être, et pourtant en accord avec ce que je suis. (…) Rien ne restera de cette solitude que je prétendais T’opposer – mais au profond de moi, Toi, Tu T’exprimeras. (…)

Que de temps il m’aura fallu pour comprendre que Tu ne veux pas que je sois père sans être, en même temps, fils. (…) Or voici que Ton Fils prend sur Lui tout le risque de l’amour paternel envers tout ce qui n’est pas Lui-même. (…)

Comment pouvais-je devenir fils ? Je ne voulais pas l’être. Je ne voulais pas accepter la souffrance née du risque de l’amour. Je pensais ne jamais être de taille. Mon regard était par trop fixé sur moi, mon seul « moi » et ses possibilités seules.

Ton Fils venu, je suis encore resté le dénominateur commun de la solitude interne de l’homme. Ton Fils a voulu y pénétrer. Il a voulu y pénétrer car Il aime. La solitude s’oppose à l’amour. (…)

Bien que je contemple avec admiration le Fils, je ne réussis pas à me transformer en Lui. Avec quelle admiration je Le contemple ! En Lui, quelle plénitude d’humanité ! Il est le vivant contraire de toute solitude. (…) Il a souci de tout homme comme du plus grand trésor, d’un bien irremplaçable. (…) Je sais tout cela. Mais suffit-il de le savoir ?

Même en le sachant, je peux continuer à me servir pour toutes choses du dénominateur commun de ma solitude – de ma solitude interne, choisie afin de rester exclusivement moi-même et nul autre. C’est à partir d’elle que se crée mon monde. S’il est aussi « notre » monde, alors ses créations et ses œuvres sont pénétrées de l’atmosphère de ma propre solitude – et il en est ainsi pour chacun. Ce monde évolue, du moins peut-on le supposer, mais en même temps il se décompose. Car il lui manque (…) ce qui pourrait l’unifier. (…) Il sera dès lors manifeste que Tu n’es tout entier que dans le Fils, et qu’Il n’est tout entier qu’en Toi – et qu’ainsi Tu demeures, avec Lui, dans VOTRE AMOUR. (…) Tout le reste se révélera insignifiant et sans importance face à l’unique réalité essentielle : père, enfant, amour.

Alors, descendant jusqu’aux choses les plus simples, nous dirons tous : n’aurait-on pu déchiffrer cela depuis longtemps ? N’étais-ce pas présent depuis toujours au fond de tout ce qui est ? » (OEU PT)


Références :
Jean Paul II – Témoin d’espérance, George Weigel, Editions Jean-Claude Lattès, 2005
OEU PT : OEU PT : Poèmes, théâtre, écrits sur le théâtre, Karol Wojtyla, Editions Cana/Cerf, 1998
OEU TL : Tutte le opere letterarie, Karol Wojtyla, Editrice Bompiani, 2001

Partager ce post

Sanctifier toutes les activités par ses talents et sa créativité.