Après les deuils qui ont marqué son enfance et bouleversé sa vie, le début des études donne un nouvel élan à Karol. Il écrit des poèmes, joue du théâtre et pratique librement sa foi. Sa vie semble devenir plus sereine.
Mais, quelques mois plus tard, le 1er septembre 1939, brusquement, tout s’écroule. La Pologne est envahie par les nazis. Cracovie est bombardée. Les flammes du centre-ville sont visibles depuis la colline du Wawel. Des sirènes retentissent dans la ville. C’est le début de la deuxième guerre mondiale. « La journée du 1er septembre 1939 ne s’effacera jamais de ma mémoire : c’était le premier vendredi du mois. J’étais allé au Wawel pour me confesser. La cathédrale était vide. Ce fut sans doute la dernière fois que je pus entrer librement dans l’église. Elle fut ensuite fermée et le château royal du Wawel devint le siège du gouverneur général Hans Frank. Le Père Figlewicz était le seul prêtre qui pouvait célébrer la Messe, deux fois par semaine, dans la cathédrale fermée et sous la surveillance de policiers allemands. En cette période difficile, la cathédrale, les tombeaux royaux et l’autel de Saint Stanislas, évêque et martyr, prirent pour lui une signification encore plus forte. » (LIV MV)
En effet, le gouverneur nazi Hans Frank s’établit dans le château du Wawel et fait remplacer les insignes de la Pologne par le drapeau de la croix gammée. Ce haut lieu de la foi et de la culture polonaise est réquisitionné. Les consignes du gouverneur à ses subordonnés étaient :
« Le Polonais n’a strictement aucun droit. Sa seule obligation est d’obéir aux ordres. On doit constamment lui rappeler que son devoir est de se soumettre.
L’un des principaux objectifs de notre plan est d’en finir au plus vite avec tous les hommes politiques, prêtres et leaders semeurs de troubles qui tombent entre nos mains. Je reconnais ouvertement que plusieurs milliers de Polonais soi-disant importants devront payer de leur vie, mais vous ne devez pas laisser des sympathies individuelles vous détourner de votre mission qui est de faire en sorte que le National-Socialisme triomphe et que la nation polonaise ne soit plus jamais en mesure d’offrir la moindre résistance.
Tous les vestiges de la culture polonaise doivent être éliminés. Les Polonais aux traits nordiques seront conduits en Allemagne pour être employés dans nos usines. Les enfants de même apparence seront enlevés à leurs parents et élevés par des ouvriers allemands. Le reste ? Ils travailleront. Ils mangeront peu. Et à la fin, ils périront. La Pologne n’existera plus jamais. » (LIV JP)
Les universités ferment, les professeurs sont arrêtés et emprisonnés dans les camps de concentration, les déportations de ses amis juifs commencent, ainsi que la persécution des catholiques et du clergé. Auschwitz (Oswiecim en polonais) n’est pas loin, à une soixantaine de kilomètres de Cracovie. Les déportations ont lieu là, mais aussi dans les autres camps.
Les églises sont fermées au culte, de peur qu’elles ne deviennent des foyers de résistance. Tout ce qui a trait au catholicisme est considéré comme une menace dangereuse par le régime nazi et est supprimé. Même les cloches des églises doivent se taire.
La culture polonaise, comme les représentations de théâtre d’auteurs polonais, est interdite par les nazis, vu qu’ils veulent briser les racines culturelles de l’identité de la Pologne, dont celles chrétiennes, et la rayer de la carte. La haine règne dans le pays. Les polonais sont traités avec mépris et dureté.
Karol « perçoit bien, comme beaucoup de Polonais, l’humiliation que représente l’occupation de la citadelle sacrée et royale par le chef nazi Hans Frank. » (LIV LB)
En effet, le Wawel est un haut lieu de la spiritualité et de la culture polonaise. Il est même considéré par beaucoup de poètes du XIXe siècle comme leur « Jérusalem, forteresse de l’esprit ». Là sont enterrés des saints (Saint Stanislas de Szczepanow – martyre et patron de la Pologne et Hedwige Ière – sainte reine polonaise), la plupart des rois de Pologne, dont les Jagellon, des héros nationaux et de grands poètes polonais. Les rois étaient d’ailleurs couronnés au Wawel.
Karol va servir la Messe les jours où la célébration y est autorisée et il vit la liturgie encore plus intensément qu’auparavant. L’amitié entre le Père Figlewicz et Karol se renforce, dans ces circonstances rappelant la vie chrétienne dans les catacombes. Ce type de bataille pour la foi, pour l’Eglise, pour Dieu, convient très bien à Karol, qui est d’un naturel combatif et convaincu.
Références :
L’enfance de Jean-Paul II, Alain Vircondelet, Editions Artège, 2015
LIV MV : Ma vocation – don et mystère, Editions Parole et Silence, 2013 (original en 1996, en italien)
LIV JP : Jean Paul II – Témoin d’espérance, George Weigel, Editions Jean-Claude Lattès, 2005
LIV LB : Jean-Paul II – La biographie, Andrea Riccardi, Parole et Silence, 2014
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