Toute sa vie, Karol Wojtyla a vécu au contact de personnes de tous états de vie et de tout niveau social. Il s’est toujours intéressé aux besoins, aux rêves et aux problèmes des autres. Particulièrement depuis qu’il est prêtre, les jeunes viennent se confier à lui et sollicitent ses conseils. Ils lui posent des questions sur la vocation au mariage, sur ce que Jésus propose par rapport au mariage, à la vie sexuelle, au contrôle des naissances.

Des discussions et réflexions sur l’amour humain et le mariage naît une pièce de théâtre, « La boutique de l’orfèvre » (1960), pièce qui deviendra célèbre et sera jouée au théâtre.

« L’orfèvre prit l’alliance,
il l’appréciait, la pesait, la tournait et retournait entre ses doigts
(…) et dit :
« Impossible d’en sortir un milligramme,
ma balance
– assez particulière –
indique zéro ;
elle ne pèse pas le métal, mais la vie de l’homme,
et son destin.
Votre mari est vivant,
il me faut les deux alliances pour la faire bouger ».

(…) Ce n’est pas par hasard que j’ai trouvé cette femme
devant la boutique,
mais c’est par hasard que j’ai commencé à lui parler.
Elle avait tellement besoin de se confier à quelqu’un,
elle m’a tout dit de sa vie.
Le vieux bijoutier l’avait bouleversée
par son refus de lui racheter l’alliance
devenue inutile.

En l’écoutant,
j’ai entrevu l’étendue de l’amour et ses pentes
dangereusement abruptes :
si tu glisses sur l’une d’elles,
tu risques d’errer en bas, au-dessous de ta route,
sans pouvoir remonter. (…)

Je lui ai demandé, je m’en souviens :
« Pourquoi veux-tu vendre ton alliance ?
que veux-tu détruire par ce geste ? ta vie ? »
A chaque instant, nous la vendons,
à chaque geste, nous la détruisons.
Et après ? Avoir du courage,
ce n’est pas s’éloigner,
errer des jours, des mois, des années,
c’est revenir à sa place, s’y retrouver.
La vie est une aventure,
mais elle n’est pas pour autant privée de logique,
de rigueur.
Il ne faut pas laisser la pensée
seule à seule avec l’imagination. (…)

L’amour n’est pas une passade. Il a le goût de tout l’être humain, son poids propre et le poids de son destin. Il ne peut pas être un moment. L’éternité passe par lui, il est à la dimension de Dieu, car Dieu seul est éternité. (…)

La cause du drame, il faut la chercher dans le passé. Il y a eu, tout simplement, erreur. Les gens se laissent emporter par un amour qu’ils croient absolu et qui n’a pas les dimensions de l’absolu. Et ils sont tellement victimes de leurs illusions, qu’ils ne ressentent même pas le besoin d’amarrer cet amour à l’Amour qui a ces dimensions. Ce n’est pas la passion elle-même qui les aveugle, mais le manque d’humilité envers l’amour dans son essence véritable. S’ils en sont conscients, ils parent au danger, énorme, car la pression de la réalité est trop forte, l’amour ne peut pas lui résister. (…)

Parfois, notre existence paraît trop courte pour l’amour ; parfois, au contraire, l’amour humain paraît trop court par rapport à l’existence, ou plutôt trop superficiel. Nous disposons tous d’une vie et d’un amour : comment les accorder en un tout ? » (OEU PT)

Aussi en 1960, Monseigneur Wojtyla écrit une œuvre philosophique, Amour et responsabilité, au sujet de l’amour humain, du mariage, de la sexualité et de la famille, à la lumière de la morale chrétienne, pour lutter contre les idéologies communistes dans ce domaine. Le texte est très cru et très approfondi, parlant de tous les sujets, dont la sexualité, sans tabous.

Par ces œuvres, l’évêque de Cracovie répond aux interrogations et aux soucis des couples avec lesquels il a été en contact depuis le début de son ministère sacerdotal et ensuite lors de ses visites pastorales.


Références :
Jean Paul II – Témoin d’espérance, George Weigel, Editions Jean-Claude Lattès, 2005
OEU PT : Poèmes, théâtre, écrits sur le théâtre, Karol Wojtyla, Editions Cana/Cerf, 1998