En 1974, Monseigneur Wojtyla écrit « Quand je pense : Patrie », poème en prose témoignant de son amour pour sa patrie et de son espoir qu’elle vive des jours meilleurs, proche de Dieu. Et qu’il en soit ainsi pour tous les pays.

« Quand je pense : Patrie – je m’exprime et m’enracine, le cœur m’en parle comme d’une secrète frontière allant de moi vers les autres, nous embrassant tous en un passé plus ancien qu’aucun de nous :
C’est de ce passé – quand je pense : Patrie – que j’émerge pour l’enfermer en moi tel un trésor. (…)
Quand j’entends autour de moi diverses langues, je sens croître les générations, chacune apporte un trésor de leur terre, – choses anciennes et choses nouvelles. (…)
Quand on entend alentour diverses langues, une seule – la nôtre – résonne pour nous. (…)
La langue de mes pères, celles des nations ne lui ont pas fait accueil : elles l’ont dite « trop difficile », « superflue ».
Aux grandes assemblées des peuples, nous parlons une autre langue que la nôtre. (…)
Etreints jour après jour par la beauté de notre langue, nous ne ressentons point d’amertume, bien qu’on n’achète guère notre pensée sur les marchés du monde, car nos mots sont trop chers. (…)
Au-delà du langage, l’abîme. Est-ce une faiblesse inconnue éprouvée par nous chez nos pères et dont nous avons hérité ?
Faut-il toujours conquérir la liberté, ne peut-on la posséder tout simplement ? Elle nous vient comme un don, mais se maintient par la lutte. Don et lutte s’inscrivent dans nos cartes secrètes, évidentes pourtant.
Tu paies ta liberté de toute ta personne. Nomme donc liberté : qu’en payant ton prix toujours à nouveau, tu peux toujours être en possession de toi-même. Par un tel paiement, nous entrons dans l’histoire, nous pouvons aborder aux siècles.
Entre les générations, quelle est la ligne qui partage ceux qui n’ont pas payé le prix et ceux qui ont trop payé ? Et nous-mêmes, de quel côté sommes-nous ? (…)
Patrie : défi de cette terre, aux ancêtres et à nous, pour que nous déterminions le bien commun et chantions l’histoire avec les mots de notre langue, comme un étendard. (…)
L’arbre de la connaissance du bien et du mal a poussé au bord des fleuves de notre terre, il a poussé avec nous au cours des siècles, il a poussé dans l’Eglise par les racines de nos consciences.
Nous avons porté des fruits qui pèsent et des fruits qui enrichissent, nous avons senti le tronc se fendre en profondeur, bien qu’enraciné dans la même terre…
L’histoire enduit les luttes des consciences d’une couche d’événements. Dans cette couche, victoires et défaites palpitent. L’histoire ne les recouvre pas, elle les fait ressortir.
Peut-elle couler à contre-courant des consciences ?
Vers quel côté le tronc s’est-il ramifié ? Vers quel côté les consciences tendent-elles ? Vers quel côté croît l’histoire de notre terre ? L’arbre de connaissance ne connaît pas de limites.
La seule limite sera l’Avènement qui unira en un seul corps luttes des consciences et mystères de l’histoire, et changera l’arbre de la connaissance en Source jaillissante de Vie. » (OEU PT)


Références :
OEU PT : Poèmes, théâtre, écrits sur le théâtre, Karol Wojtyla, Editions Cana/Cerf, 1998

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