Bible

L’actualité des récits bibliques

Karol écrit beaucoup pendant la guerre. Il connaît la souffrance et s’inspire de la Bible pour décrire ce qu’il ressent et sa vision des événements tragiques.

Karol réfléchit intensément au sort de la Pologne, dans l’histoire en général et en ces moments difficiles de guerre, réflexions qu’il développe dans le drame « Jérémie », du nom du prophète biblique qui est envoyé par Dieu pour exhorter les pasteurs et le peuple élu à se détourner des idoles et à se convertir au Dieu unique et éternel et vivant. Là, Karol compare le sort de sa chère terre polonaise à celui d’Israël. Il y intègre des personnages historiques importants dans l’histoire de sa patrie (souverains, nobles patriotes, hommes d’Eglise).

Le Père Pierre, inspiré de Piotr Skarga, est un prédicateur fervent de la Cour royale, théologien et écrivain du XVIe siècle, qui a souvent averti que la Pologne serait tombée si elle ne mettait pas de l’ordre dans ses affaires, si elle s’éloignait de Dieu. Il est ainsi très proche du prophète Jérémie, qui a lutté contre le peuple d’Israël, lui aussi s’éloignant de Dieu. Piotr Skarga lui-même avait dit dans un de ses discours : « Si j’étais Jérémie ». Le drame écrit par Karol se déroule pendant le Carême, la Semaine Sainte et Pâques, montrant l’espoir de lendemains meilleurs, l’espérance en la Résurrection attendue à la fin des épreuves et des souffrances.

Jérémie, qui apparaît dans le drame, déclare :
« En réalité, vous, vous êtes menteurs ! – … qui induisez en erreur
la nation par des cris et par le pouvoir,
et vous-mêmes vous ne croyez pas dans le pouvoir,
vous-mêmes vous n’êtes pas capables de créer le pouvoir,
vous, vous croyez seulement dans les subterfuges,
vous construisez la maison avec des poutres fragiles,
vous faites seulement des tromperies
et vous commettez les adultères de Baal. –
Et où est la source ? – Vous, en effet, vous êtes
dignes de Baal, pas de Yahvé.
Vous-mêmes vous ne créez pas le pouvoir,
parce que vous ne savez même pas où est la source,
où est la source toujours jaillissante,
au milieu de ce peuple, en Israël.
Parce qu’avant il faut se laver les yeux !
Parce qu’avant il faut se laver les yeux !
Vous devez devenir comme ce cristal,
pas dans l’adultère, pas dans les subterfuges,
mais dans la Vérité devant Yahvé.
Dans la Vérité, il y a la Liberté et la Splendeur
dans le mensonge, tu vas vers l’esclavage,
ô Jérusalem ! – Jérusalem !
si toi, tu tournais tes pas
vers ton Seigneur avec droiture,
vers ton Seigneur dans ta promesse
Ô épouse – Jérusalem !
Voilà, vous devez être droits,
autrement pour sûr Il vous rejettera,
comme la lignée d’Ephraïm
Tu puises à la source de Baal,
alors que ta Vérité est seulement en Dieu ! »

Et le Père Pierre clame :
« De quelle manière faut-il vous parler de vos calamités
quels mots trouver pour vos malheurs ? (…)
Savez-vous d’où vient le mauvais gouvernement ? De l’aveuglement,
de l’amour pour les péchés, des paroles injurieuses !
Savez-vous d’où vient le mauvais gouvernement ? Alors, il se fonde sur les péchés
vous qui dites qu’il faut gouverner ainsi
on gouverne sur les péchés et tombera à cause des péchés,
parce que, même si Dieu tarde, Il réclamera Ses droits.
Cœurs de bandits ! Chacun veut pour lui-même,
et par contre pour Elle – pour la Mère, par contre pour Elle, rien
Cœurs de bandits ! Quand le navire coule,
chacun rassemble et compte ses propres baluchons
et sur le navire afflue tant d’eau,
qu’il ne résiste pas, et se brise en deux.
Imbécile ! Qu’en feras-tu, maintenant, de tes baluchons ?
Défendez le navire ! Occupez-vous des causes communes !
Quand le navire coule, il faut oublier ses propres affaires
c’est le navire la chose la plus chère, parce que le navire vous porte
tous – et si les vents soufflent
souciez-vous du bien commun – occupez-vous des causes
communes !
Et aussi pour votre bien, pour ne pas perdre
la barque, la chose la plus chère – qui peut se mette à ramer !
Et que vos cœurs soient pleins de volonté,
pleins d’amour – que personne ne trahisse ! (…)
Si j’étais Jérémie, je me mettrais les chaînes aux pieds et les fers, et une chaîne autour du cou, et je crierais contre vous, pécheurs, comme lui, il criait : Ainsi ils vous attacheront et ils vous pousseront comme des brebis vers des pays étrangers – si j’étais Jérémie (…)
Surtout, je vous dis: il faut avoir de l’égard pour Dieu
et vivre selon Ses lois – en moi brûle le feu divin.
C’est une doctrine simple : seulement dix lois,
qui expliquent aussi l’Amour pour Celle
que vous devez appeler Mère-patrie,
pour vos frères – collines et vallées
sont pareilles pour tous sur cette terre – vous êtes, en effet, des frères les uns pour les autres ! (…)
Si j’étais Jérémie, je vous montrerais le vêtement pourri et moisi et je le secouerais, de manière à le faire devenir poussière, et je dirais : Ainsi votre gloire croupira et deviendra néant, fumée et poussière – moi, si j’étais Jérémie. (…)
La discorde vous réduira en esclavage
votre liberté sera raillée, objet de dérision !
parce que sur la discorde il faut mettre l’amour !
Ce Règne sacré est votre Mère
comment ne pas aimer sa propre mère – comment ?
Celle-ci est votre Mère, qui vous a engendré
et nourri avec la beauté des grâces divines. (…)
Prenez soin de la Mère, sinon l’ennemi
vous abattra tous, vous enlèvera la Mère et la piétinera ! (…)
Si moi, j’étais Jérémie, je prendrais un vase en argile et, après vous avoir tous convoqués, je le jetterais contre le mur en votre présence, en disant : Le Seigneur vous détruira comme ce vase dont les morceaux ne peuvent plus se remettre ensemble – ainsi Il vous détruira – si moi, j’étais Jérémie. (…)
Je récite ma prière dans la terreur,
écoutez ma prière :
Que grandisse en vous l’amour
pour vos compatriotes, vos frères
pour cette Mère bien-aimée ;
afin que vous oubliiez vos intérêts
et que vous la serviez avec vigueur, avec le cœur, avec toute votre âme,
avec tout ce qui est en votre pouvoir.
Que le Seigneur vous instruise
Que Dieu vous guide
Par Jésus Christ, notre Seigneur. Amen. » (OEU TL)


Références :
L’enfance de Jean-Paul II, Alain Vircondelet, Editions Artège, 2015
OEU TL : Tutte le opere letterarie, Karol Wojtyla, Editrice Bompiani, 2001

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