Depuis la mort de Monseigneur Sapieha en 1951, il n’y a officiellement pas d’archevêque à Cracovie, bien que Monseigneur Baziak en ait la fonction sans le titre. En effet, le régime communiste a refusé toute nouvelle nomination. Depuis la mort de Monseigneur Baziak en 1962, c’est Monseigneur Wojtyla qui est vicaire capitulaire, en attendant qu’une nomination se fasse officiellement.
Monseigneur Wyszynski doit remettre une liste de plusieurs candidats au régime, qui peut mettre son veto sur certains. Il ne connaît pas bien Monseigneur Wojtyla. Ils ne se sont jamais croisés. Mais il sait qu’il n’a que 43 ans, qu’il est poète, qu’il publie régulièrement dans un journal qu’il trouve trop indépendant d’esprit et qu’il a beaucoup de sympathie pour les évêques réformateurs du Concile Vatican II, qu’il considère comme trop préoccupés par des questions peu pertinentes pour l’Eglise de Pologne et comme loin de comprendre sa situation. Ainsi, il ne place Monseigneur Wojtyla qu’à la huitième place de sa liste. Mais peut-être aussi l’avait-il fait exprès pour ne pas compromettre les chances de celui qu’il considérait comme le plus apte pour le siège de Cracovie.
Le régime, bien qu’ayant remarqué que Monseigneur Wojtyla pourrait être dangereux, le considère comme un genre de penseur probablement manipulable. Il pourrait ainsi le dresser contre Monseigneur Wyszynski et affaiblir l’Eglise en Pologne. C’est donc Monseigneur Wojtyla qui est le seul candidat sur lequel le régime ne met pas son veto. Zenon Kliszko, le numéro deux du parti communiste, se vante même d’avoir été l’artisan de cette nomination.
Le 13 janvier 1964, Monseigneur Wojtyla est élevé archevêque par Paul VI, qui d’ailleurs a été frappé durant le Concile Vatican II par les interventions et le comportement de ce jeune père conciliaire hors du commun et charismatique.
Les autorités communistes vont rapidement regretter leur choix, car Monseigneur Wojtyla est très loyal envers Monseigneur Wyszynski, le soutenant dans toutes ses entreprises, surtout dans les moments difficiles, cédant sur ses positions quand ils n’étaient pas d’accord pour ne pas affaiblir le pouvoir du primat, lui rendant visite le plus souvent possible, aussi pendant les vacances. Lorsque le visa pour aller à Rome au Synode des évêques est refusé à Monseigneur Wyszynski, Monseigneur Wojtyla renonce aussi au voyage, en signe de solidarité.
Comme le projet de diviser les prélats de l’Eglise polonaise a échoué et que Monseigneur Wojtyla voyage beaucoup à l’étranger, c’est maintenant lui que le régime essaie de discréditer, en disant qu’il est un internationaliste, qui ne comprend rien à la Pologne, contrairement à Monseigneur Wyszynski qui est un patriote. Alors qu’auparavant le régime reprochait au primat de ne pas être un patriote. Mais toutes ces stratégies échouent aussi.
Monseigneur Wojtyla ne sera archevêque que trois ans, puis sera nommé cardinal, mais gardera la charge de l’archevêché de Cracovie encore onze ans.
Références :
Jean Paul II – Témoin d’espérance, George Weigel, Editions Jean-Claude Lattès, 2005
Une vie avec Karol, Entretiens avec Gian Franco Svidercoschi, Stanislas Dziwisz, Editions Desclée de Brouwer / Le seuil, 2007
J’ai vécu avec un saint, Stanislaw Dziwisz, entretiens avec Gian Franco Svidercoschi, Editions du Cerf, 2014
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