En 1950, le gouvernement communiste avait nationalisé les terres des diocèses. Malgré l’opposition de plusieurs de ses évêques, qui lui resteront toutefois unis, Monseigneur Wyszynski avait négocié un accord signé avec les autorités, reconnaissant les nouvelles frontières de la Pologne en échange d’une certaine liberté de l’Eglise au sein de la société, sans pour autant être favorable à ce gouvernement, qui voudrait séparer les Eglises de l’Est du Saint-Siège et en prendre le contrôle. Des prêtres et des religieux étaient favorables au régime communiste, mais ceci n’avait pas réussi à affaiblir l’Eglise de Pologne. Le pape Pie XII avait soutenu Monseigneur Wyszynski malgré ses réticences sur le dialogue avec les autorités communistes. Il le nommera cardinal en 1953.
Le gouvernement communiste voulant contrôler les nominations ecclésiastiques pour choisir des prélats qui lui sont favorables et ainsi contrôler l’Eglise, il remet en question l’accord signé en 1950. En mai 1953, les autorités déclarent qu’elles choisiraient qui nommer et qui déposer parmi les prêtres et les évêques, et que les prêtres devraient lui prêter allégeance. Des articles paraissent contre le primat de Pologne.
En réponse, Monseigneur Wyszynski fait un sermon on ne peut plus clair dans la cathédrale de Varsovie : « Nous enseignons qu’il convient de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Mais lorsque César s’assoit sur l’autel, nous répondons sans ambages : il ne doit pas le faire. » (LIV JP)
Ensuite, le cardinal réunit tous ses évêques à Cracovie et ils publient une déclaration adressée au gouvernement polonais : « Nous ne sommes pas habilités à placer ce qui est à Dieu sur l’autel de César. Non possumus ! Nous ne le pouvons pas. » (LIV JP). Cette déclaration exprimait très clairement le refus de l’Eglise de se soumettre au contrôle du régime. Fin 1953, une nuit, Monseigneur Wyszynski est enlevé à Varsovie et mis sous résidence surveillée par le régime, comme d’autres prélats catholiques de l’Est.
La période de répression se poursuit, dans le but de reléguer l’Eglise uniquement à la pratique du culte, sans rôle dans la culture, l’enseignement ou les œuvres sociales. Après la mort de Monseigneur Sapieha en juillet 1951, qui était d’une famille princière et jouissait ainsi d’une certaine autorité, l’oppression du régime pour se substituer à l’Eglise dans tous les domaines était devenue plus forte, avec entre autres, à Cracovie, mise sous procès de prêtres et religieux par le tribunal militaire pour suspicion (mensongère) d’espionnage pour le compte des Etats Unis d’Amérique, fermeture de la faculté de théologie et interdiction de l’enseignement religieux dans les écoles.
Don Wojtyla continue à lutter pour les droits de l’Eglise et la dignité des êtres humains, sans se mêler de politique. Ses discours et ses écrits, sans attaquer ou critiquer directement le régime, sont tellement opposés à celui-ci qu’ils suffisent à lutter clairement. Sa vision de la vie et de la destinée humaine était à l’opposé de l’idéologie officielle : le communisme prétendait affranchir l’humanité de toute forme de transcendance pour lui faire atteindre sa grandeur, un humanisme athée, alors que Père Karol proposait l’enseignement de l’Eglise, selon lequel cette grandeur et cette liberté sont atteintes par l’union avec Dieu. Cette forme d’humanisme, chrétien, séduisait bien plus les auditeurs, qui faisaient obstacle au régime par la force de leurs convictions morales et religieuses.
Références :
Jean-Paul II – La biographie, Andrea Riccardi, Parole et Silence, 2014
LIV JP : Jean Paul II – Témoin d’espérance, George Weigel, Editions Jean-Claude Lattès, 2005
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