Quelques jours après son élection, Jean-Paul II a dit que « le premier devoir du pape envers l’Eglise et le monde est celui de prier. » (JA) Mais comment s’y prenait-il ? 

Comme tout prêtre, sa journée est rythmée par la liturgie des Heures, contenue dans le bréviaire. Le matin, il prie les Laudes et célèbre la Messe. Au cours de la journée, les prières du milieu du jour de cette liturgie sont intégrées, selon son emploi du temps (Tierce vers 9h00, Sexte vers 12h00, None vers 15h00). L’Office des Lectures vient au moment le plus opportun de sa journée. Le soir sont priées les Vêpres, en général avant le repas, et les Complies, avant de se coucher. Il aime énormément ces prières, dans lesquelles les psaumes et d’autres textes de la Bible ont une place très importante. Il peut prendre trois fois plus de temps que « prévu » pour les prier et les méditer, tant il les aime. Leur caractère ecclésial est très important pour lui, la liturgie des Heures étant destinée à être priée par tous les baptisés, consacrés ou laïcs.

« Il récitait tous les offices liturgiques du bréviaire avec une grande piété. Il ne le faisait pas par habitude, il n’y avait aucune routine dans cette prière. C’était une méditation profonde – la méditation des psaumes. (…) le Saint-Père priait, la tête appuyée sur le bras. Avec un grand recueillement. » (LM) « Il ne le faisait pas mécaniquement, mais il était évident qu’il cherchait dans ses prières le modèle et la force pour accomplir ses propres tâches. » (VJ) Lors de ses voyages, « après de longues journées de célébrations et de rencontres, de retour à la nonciature, il demande à son secrétaire son bréviaire – s’il n’a pas réussi à le réciter lors d’un déplacement – et se rend aussitôt à la chapelle. » (VJ)

Jean-Paul II nous explique : « Nul n’ignore que la journée du prêtre est « liturgique », non seulement grâce à la messe, aussi par la liturgie des heures, qui lui confèrent son rythme spécial. Dans l’ensemble, le travail prend le plus de temps, mais toutes les activités doivent être enracinées dans la prière comme dans une glèbe spirituelle. L’épaisseur de cette glèbe ne doit pas être trop mince ni trop superficielle : l’expérience intérieure nous apprend à discerner les moyens de la former, jour après jour, afin qu’elle suffise. (…) Sans vivre selon une règle contemplative, je vois bien que cette glèbe de prière dans laquelle s’enracine chaque journée comprend beaucoup d’éléments et de moments proprement contemplatifs (…). » (NA)

Jean-Paul II lit aussi beaucoup la Bible pour la méditer, en plus de la pratique de l’Office divin. « Chaque jour, il lisait la Sainte Ecriture dans laquelle il puisait son inspiration pour la méditation. » (JA)

Et à la fin de la journée, « (…) chaque jour avant de se coucher, il regardait la place Saint-Pierre de la fenêtre et traçait en l’air un signe de croix. C’était son Urbi et Orbi privé et vespéral. » (LM)

Le jeudi, le vendredi et le samedi ont des activités supplémentaires : « Chaque jeudi, il pratiquait l’ »heure sainte ». (…) Durant ses voyages, il était attentif à ce qu’aucun engagement n’empêche l’observance de ses activités spirituelles, y compris le chemin de croix. Il le célébrait habituellement sur sa terrasse au Vatican mais, quand il était en voyage à travers le monde, il lui arrivait de le célébrer dans le couloir d’une nonciature. Tous les samedis, il se confessait (…). » (JA) Au Vatican, il a fait installer les différentes stations du chemin de Croix sur sa terrasse, où il y a un espace de verdure. « Le Saint-Père attachait une importance particulière au chemin de croix. (…) C’était pour lui la commémoration de la Passion du Christ Sauveur qui avait offert sa vie pour nous, qui nous avait rachetés. C’était comme une offrande du Saint-Père pour le don de la Rédemption. » (LM) Il faisait en sorte de ne pas être empêché de faire son chemin de Croix lorsqu’il était en voyage le vendredi et il lui est ainsi arrivé de le faire dans un hélicoptère, assis en lisant les différentes stations dans un petit livre puis en les méditant et en priant.

Il prie avant et après ses rendez-vous, pour les personnes qui viennent en audience. Il tient en général son chapelet dans les mains et « (…) entre le départ d’un invité et l’arrivée du suivant, dans les quelques minutes qu’il avait, le Pape égrenait son chapelet et priait deux ou trois Ave Maria. » (DI) S’il a plus de temps, il se rend un moment dans sa chapelle. « Il priait pour ceux qu’il avait reçus en audience. Pour les prêtres qu’il avait ordonnés. Pour ses collaborateurs. Pour les personnes qui lui écrivaient. En somme, il vivait en présence de Dieu, il travaillait avec Dieu. Il ne séparait pas prière et action : toute sa vie était prière. » (JA)

Il passe beaucoup de temps dans sa chapelle, quand il est au Vatican. Sous le coussin de son prie-Dieu, ses secrétaires déposent les demandes de prières qui lui sont adressées. Il les lit, une par une, et prie en les tenant dans ses mains, pour les présenter à Jésus. Il n’est indifférent à aucune requête et prie Jésus de tout son cœur pour obtenir les grâces demandées.

Jean-Paul II nous raconte : « Il y a vraiment beaucoup de problèmes et j’essaie de les suivre comme je peux, surtout dans la prière. Je dois vous avouer que ne manquent pas les personnes, les communautés qui me demandent de prier pour elles ; je fais toujours une liste pour m’en souvenir et pour les porter sur l’autel de la prière et aussi dans l’Eucharistie. » (Discours, 20.03.1988) « (…) je pense au grand nombre de demandes, d’intentions de prière, qui nous sont constamment présentées par différentes personnes. Moi, je prends note des intentions qui me sont indiquées par des personnes du monde entier et je les conserve dans ma chapelle sur le prie-Dieu, pour qu’elles soient à tout moment présentes à ma conscience, aussi quand elles ne peuvent pas être répétées littéralement chaque jour. Elles restent là et on peut dire que le Seigneur Jésus les connaît, parce qu’elles se trouvent parmi les notes sur le prie-Dieu et aussi dans mon cœur. » (Discours, 27.10.1995)

Quand on lui parle d’une situation dramatique, il ne se contente pas de s’informer. Par exemple, lors de la déclaration de l’état de siège en Pologne dans la nuit du 12 au 13 décembre 1981, il demande aux évêques polonais à Rome de chercher à savoir ce qu’il se passe sur place, mais ils n’arrivent pas à obtenir d’informations. Lui leur affirme alors : « Nous devons beaucoup prier et attendre un signe de Dieu. » (VJ)

Et pour les situations où il doit participer ou prendre une décision, il cherche « à résoudre chaque question dans un esprit de foi et à l’aide de la prière. (…) il résolvait tout à genoux. » (JA)

Jean-Paul II a aussi une autre manière très concrète de prier, qu’il a appelée la « géographie de la prière » (ED). Il prie pour les besoins des personnes des endroits où il est allé, où il va se rendre ou dont on lui a parlé. Il passe ainsi d’un pays à un autre, d’un continent à l’autre. Sa prière est ancrée dans la vie du monde. Il prie pour toute l’humanité, pour toutes ses nécessités, matérielles mais aussi spirituelles. Il vit dans le concret. « (…) il portait le monde entier dans ses pensées et dans sa prière. Des pays concrets, des provinces concrètes, des personnes concrètes. Il gardait tout cela dans sa mémoire. » (LM)

Il le dit lui-même : « (…) la prière du Pape a une dimension toute particulière. Le souci de toutes les Eglises, qu’il porte dans sa pensée et dans son cœur, conduit le Pontife à accomplir chaque jour, par la prière, un pèlerinage à travers le monde entier. Se révèle ainsi une sorte de géographie de la prière du Pape : celle des communautés, des Eglises, des sociétés et aussi des problèmes qui assaillent le monde contemporain. En ce sens, le Pape est donc appelé à une prière universelle (…) exposer devant Dieu toutes les joies et tous les espoirs et en même temps les souffrances et les angoisses que l’Eglise partage avec l’humanité contemporaine. » (ED)

Pour Jean-Paul II, la prière et la vie active sont intimement liées : « (…) comme vous me demandez comment le Pape prie, je vous réponds : comme tout chrétien : il parle et il écoute. Parfois, il prie sans paroles, et alors il écoute d’autant plus. Le plus important est précisément ce qu’il « entend ». Et il cherche aussi à unir la prière à ses obligations, à ses activités, à son travail, et à unir son travail à la prière. Et de cette manière, jour après jour, il cherche à accomplir son « service », son « ministère ». » (Discours, 01.06.1980)

Ses prières sont variées et il utilise des mots nouveaux tous les jours. Il compose des prières qu’il intègre en fin d’homélies ou de discours, ou utilise celles de Saints, pour apporter de la vie et de la variété à sa prière. « Il était très créatif, il inventa lui-même un grand nombre de prières. Et il chantait. » (JA) Il aime chanter pour prier, et il le fait souvent, aussi dans sa chapelle.

Il aime aussi prier les Saints et les Anges, en particulier la Sainte Vierge Marie : il prie quotidiennement le chapelet et récite avec dévotion les litanies qui invoquent la Sainte Mère de Dieu.  Toutes les litanies lui plaisent énormément. Il choisit l’une ou l’autre selon les circonstances (lieux, temps de l’année liturgique, fêtes, entre autres). « Chaque jour, Jean-Paul II récitait l’une ou l’autre litanie. (…) il les aimait beaucoup. Toutes les litanies des saints, la litanie de Lorette, la litanie au Sacré-Cœur de Jésus. C’étaient des prières traditionnelles (…). » (LM) Il tient aussi beaucoup à la dévotion envers les reliques.

Il apprécie particulièrement prier en plein air, surtout dans la nature, et encore plus à la montagne. Il « (…) s’en allait marcher seul, pour quelques heures avec le Seigneur. » (JA) La nature est pour lui un moyen de s’approcher de Dieu. Il peut passer des heures seul à contempler Dieu dans la Création et à Le prier, ou à marcher en égrenant son chapelet, seul ou à plusieurs. Il « médite, en contemplant la nature et la grandeur de Dieu. » (VJ) Il a une « (…) façon de prier simple et pure comme la prière d’un enfant. » (LM)

« Même lorsqu’il se trouvait au milieu d’un million de personnes qui chantaient, hurlaient, applaudissaient, le Pape se mettait à genoux et priait comme s’il était seul. Autour de lui, le monde disparaissait, on le voyait en dialogue avec Dieu. » (DI)

Jean-Paul II nous explique l’importance de la prière : « (…) combien la prière est nécessaire au monde et à l’Eglise, parce qu’en définitive elle constitue la manière la plus simple de rendre Dieu et son Amour salvateur présents au monde. (…) Dans la prière, Dieu se révèle avant tout comme Miséricorde, c’est-à-dire comme Amour qui vient à la rencontre de l’homme souffrant. Cet Amour soutient, relève, invite à la confiance. (…) L’homme qui prie (…) en quelque sorte rend présent au milieu du monde le Dieu qui est Amour miséricordieux. » (ED)

On comprend pourquoi on a surnommé Jean-Paul II « bloc de prière » et on a dit de lui qu’« il prie (…) comme il respire. » (NA)


Et moi, est-ce que je prie tous les jours? Est-ce que la prière a une place importante dans ma journée? Et dans ma vie? Est-ce que j’ai compris la nécessité de la prière? Qu’est-ce qui m’interpelle dans la manière de prier de Jean-Paul II? Est-ce que je peux m’en inspirer pour ma propre prière?


Références :
JA : J’ai vécu avec un saint, Stanislaw Dziwisz, entretiens avec Gian Franco Svidercoschi, Editions du Cerf, 2014
LM : Le mardi était son jour préféré, Monseigneur Mieczyslaw Mokrzycki et Brygida Grysiak, Editions des Béatitudes, 2010
DI : Dans l’intimité de Jean-Paul II, Renato Boccardo, Editions des Béatitudes, 2014
NA : « N’ayez pas peur ! » André Frossard dialogue avec Jean-Paul II, Editions Robert Laffont, 2005 (original en 1983, en italien)
VJ : Le Vrai Jean-Paul II, Slawomir Oder avec Saverio Gaeta, Editions Presses de la Renaissance, 2011
ED : Entrez dans l’Espérance, avec Vittorio Messori, Editions Plon/Mame, 1994
https://w2.vatican.va/content/john-paul-ii/fr.html pour citations de discours, homélies, audiences générales, messages, lettres, encycliques