Jean Paul II, un artisan de paix
En 1986, le 27 octobre, cinq jours après la date anniversaire de sa Messe d’intronisation comme Pape (22 octobre 1978), Jean-Paul II rencontre les représentants des Églises et communautés chrétiennes et des religions du monde. C’est la première rencontre de ce genre de l’Histoire de l’humanité, voulue par le Pape « pour montrer que la paix est un impératif de la conscience des croyants engagés dans la recherche de la vérité sur Dieu, sur notre destinée, sur l’histoire de l’humanité. » A la fin de cette rencontre, il tient un discours toujours autant d’actualité: comment devenir un artisan de paix ?
La paix, une valeur universelle
« Avec les autres chrétiens, nous partageons de nombreuses convictions, en particulier en ce qui concerne la paix. Avec les religions du monde, nous partageons un respect et une obéissance communs à la conscience, qui nous apprend à tous à rechercher la vérité, à aimer et à servir tous les individus et tous les peuples, et donc à faire la paix entre les individus et entre les nations.
Oui, nous sommes tous sensibles et obéissants à la voix de la conscience d’être un élément essentiel sur la route vers un monde meilleur et pacifique. Cela pourrait-il en être autrement, puisque tous les hommes et toutes les femmes dans ce monde ont une nature commune, une origine commune et un destin commun?
Même s’il y a des différences nombreuses et importantes entre nous, il y a aussi un fond commun, d’où travailler ensemble dans la résolution de ce défi dramatique de notre temps : la paix véritable ou une guerre catastrophique? » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Comment arriver à la paix par la spiritualité
« Oui, il y a la dimension de la prière qui, aussi dans la réelle diversité des religions, cherche à exprimer une communication avec un Pouvoir qui est au-dessus de toutes nos forces humaines. La paix dépend fondamentalement de ce Pouvoir que nous appelons Dieu et qui, comme nous, chrétiens, le croyons, s’est révélé dans le Christ. (…)
Pour la première fois dans l’histoire, nous nous sommes rassemblés de toutes parts, églises chrétiennes et communautés ecclésiales et religions du monde, dans ce lieu sacré dédié à saint François, pour témoigner devant le monde, chacun selon sa propre conviction, la qualité transcendante de la paix. La forme et le contenu de nos prières sont très différents, (…) mais dans cette même différence, nous avons peut-être découvert à nouveau que, en ce qui concerne le problème de la paix et sa relation à l’engagement religieux, il y a quelque chose qui nous unit.
(…) la paix va bien au-delà des efforts humains, surtout dans la situation actuelle du monde et, par conséquent, sa source et sa réalisation doivent être recherchées dans cette Réalité qui est au-delà de nous tous. C’est pour cette raison que chacun d’entre nous prie pour la paix.
(…) je suis prêt à reconnaître que les catholiques n’ont pas toujours été fidèles à cette affirmation de foi. Nous n’avons pas toujours été des bâtisseurs de la paix. Pour nous-mêmes, donc, mais aussi peut-être, dans un certain sens, pour tous, cette réunion à Assise est un acte de pénitence. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Réflexions sur la paix
« Pendant que nous marchions en silence, nous avons réfléchi au chemin que l’humanité est en train de parcourir : soit dans l’hostilité, si nous ne parvenons pas nous accepter réciproquement dans l’amour, soit en faisant un voyage commun vers notre haute destinée, si nous comprenons que les autres sont nos frères et nos sœurs. Le fait même que nous sommes venus à Assise de diverses régions du monde est en soi un signe de ce chemin que l’humanité est appelée à parcourir. Soit nous apprenons à marcher ensemble dans la paix et l’harmonie, soit nous nous retirons de cette affaire et nous nous ruinons nous-mêmes et les autres. Nous espérons que ce pèlerinage à Assise nous a de nouveau appris à prendre conscience de l’origine commune et du destin commun de l’humanité. Essayons de voir dans celui-ci un avant-goût de ce que Dieu voudrait que soit le développement historique de l’humanité : un voyage fraternel dans lequel nous nous accompagnons les uns les autres vers le but transcendant qu’il établit pour nous.
(…) Peut-être jamais comme maintenant dans l’histoire de l’humanité, le lien intrinsèque entre un comportement authentiquement religieux et le grand bien de la paix est devenu évident pour tous. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Comment devenir un artisan de paix
« La prière est déjà, en soi, une action, mais cela ne nous dispense pas des actions au service de la paix. Nous agissons ici comme les messagers de la conscience morale de l’humanité en tant que telle, humanité qui aspire à la paix, qui a besoin de la paix.
Il n’y a pas de paix sans un amour passionné pour la paix. Il n’y a pas de paix sans volonté indomptable d’atteindre la paix. La paix attend ses prophètes. Ensemble, nous avons rempli nos yeux de visions de paix : elles libèrent des énergies pour un nouveau langage de paix, pour de nouveaux gestes de paix, des gestes qui briseront les chaînes fatales des divisions héritées de l’histoire ou générées par les idéologies modernes.
La paix attend ses artisans. Nous tendons nos mains vers nos frères et sœurs, pour les encourager à construire la paix sur les quatre piliers de la vérité, de la justice, de l’amour et de la liberté (…).
La paix est un chantier ouvert à tous, pas seulement aux spécialistes, aux savants et aux stratèges. La paix est une responsabilité universelle : elle passe par mille petits actes de la vie quotidienne. Selon leur manière de vivre quotidienne avec les autres, les hommes optent en faveur de la paix ou contre la paix.
Nous confions la cause de la paix spécialement aux jeunes. Puissent les jeunes contribuer à libérer l’histoire des chemins erronés sur lesquels l’humanité s’égare. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Le rôle des nations dans la paix
« La paix est entre les mains non seulement des individus mais aussi des nations. Aux nations incombe l’honneur de fonder leur activité en faveur de la paix sur la conviction du caractère sacré de la vie humaine et sur la reconnaissance de l’égalité indélébile de tous les peuples entre eux. Nous invitons avec insistance les responsables des nations et des organisations internationales à être infatigables pour introduire les structures de dialogue partout où la paix est en danger ou est déjà compromise. Nous offrons notre soutien à leurs efforts souvent épuisants pour maintenir ou rétablir la paix. Nous renouvelons notre encouragement à l’ONU afin qu’elle puisse pleinement correspondre à l’ampleur et à la grandeur de sa mission universelle de paix.
(…) La paix, de santé si fragile, exige des soins constants et intensifs. Sur cette voie, nous pourrons avancer à pas sûrs et rapides, puisqu’il ne fait aucun doute que les hommes n’ont jamais eu autant de moyens de construire la paix qu’aujourd’hui. L’humanité est entrée dans une ère de solidarité accrue et d’aspiration à la justice sociale. C’est l’occasion propice. C’est aussi notre tâche, que la prière nous aide à affronter. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Le lien entre la prière et la paix
« Si le monde doit se maintenir, et les hommes et les femmes doivent survivre sur lui, le monde ne peut se passer de la prière.
C’est la leçon permanente d’Assise : c’est la leçon de saint François, qui a incarné un idéal attrayant pour nous ; c’est la leçon de sainte Claire, son premier disciple. C’est un idéal fait de douceur, d’humilité, de sens profond de Dieu et d’engagement à servir tout un chacun. Saint François était un homme de paix.
Rappelons-nous qu’il a abandonné la carrière militaire qu’il avait suivie pendant un temps dans sa jeunesse, et qu’il a découvert la valeur de la pauvreté, la valeur de la vie simple et austère, à l’imitation de Jésus-Christ, qu’il avait l’intention de servir. Sainte Claire a été la femme de prière par excellence. Son union avec Dieu dans la prière soutenait François et ses disciples, comme elle nous soutient aujourd’hui.
François et Claire sont des exemples de paix : avec Dieu, avec eux-mêmes, avec tous les hommes et toutes les femmes dans ce monde. Que cet homme saint et cette sainte femme inspirent tous les hommes et les femmes d’aujourd’hui à avoir la même force de caractère et d’amour pour Dieu et pour leurs frères et sœurs, pour continuer sur le chemin sur lequel nous devons marcher ensemble.
Poussés par l’exemple de saint François et de sainte Claire, vrais disciples du Christ, (…) nous nous engageons à réexaminer nos consciences, à écouter plus fidèlement leur voix, à purifier nos esprits des préjugés, de la haine, de l’inimitié, de la jalousie et de l’envie. Nous essaierons d’être des acteurs de paix, en pensée et en action, avec l’esprit et le cœur tournés vers l’unité de la famille humaine. Et nous invitons tous nos frères et sœurs qui nous écoutent à en faire de même.
Nous le faisons en connaissance de nos limites humaines et conscients du fait que, laissés à nous-mêmes, nous échouerons. Nous réaffirmons donc et reconnaissons que notre vie et notre paix future dépendent toujours d’un don que Dieu nous fait.
Dans cet esprit, nous appelons les dirigeants du monde à prendre acte de notre humble imploration à Dieu pour la paix. Mais nous leur demandons à eux aussi de reconnaître leurs responsabilités et de se consacrer avec un engagement renouvelé à la tâche de paix, de mettre en œuvre les stratégies de paix avec courage et esprit visionnaire. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Prière pour devenir un artisan de paix
« (…) je rends grâce à Dieu et Père de Jésus-Christ pour ce jour de grâce pour le monde, pour chacun d’entre vous, et pour moi-même. Je le fais en invoquant la Vierge Marie, reine de la Paix. Je le fais avec les mots de la prière qui est communément attribuée à saint François, parce qu’elle en reflète bien l’esprit :
» Seigneur, fais de moi un instrument de ta paix :
Là où est la haine, que j’apporte l’amour.
Là où est l’offense, que j’apporte le pardon.
Là où est la discorde, que j’apporte l’union.
Là où est le doute, que j’apporte la foi.
Là où est l’erreur, que j’apporte la vérité.
Là où est le désespoir, que j’apporte l’espérance.
Là où est la tristesse, que j’apporte la joie.
Là où sont les ténèbres, que j’apporte la lumière.
Maître, fais que je ne cherche pas tant :
À être consolé qu’à consoler,
À être compris qu’à comprendre,
À être aimé qu’à aimer.
Car c’est en donnant qu’on reçoit,
En pardonnant qu’on est pardonné,
En mourant qu’on ressuscite à la vie éternelle”.
(…) J’invite tous les hommes de bonne volonté à s’engager avec une générosité renouvelée pour la promotion de la paix. » (Discours, 27.10.1986, site du Vatican)
Et moi, est-ce que je me demande comment devenir un artisan de paix ? Est-ce que j’ai compris que je peux l’être en pensées, en paroles et en actions, au moins dans ma vie quotidienne? Est-ce que je prie pour la paix? Est-ce que je me rends compte qu’il s’agit d’un acte de miséricorde et que j’ai des talents pour y arriver?